Selon la dernière étude sur les morts violentes au sein du couple, dévoilée ce vendredi par le ministère de l’Intérieur, le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou leur ex a augmenté de 20% l’an dernier par rapport à 2020.

Par Virginie Ballet, publié le 26 août 2022 – Source : www.liberation.fr

C’était donc bien une baisse en trompe-l’œil : en 2020, 102 femmes avaient été tuées par leur conjoint ou leur ex. Soit le niveau le plus bas depuis 2006, et le début du recensement par les autorités du nombre de morts violentes au sein du couple. Les dernières données publiées ce vendredi par le ministère de l’Intérieur viennent confirmer ce que redoutaient associations et professionnels de terrain : cette baisse était très probablement due à la conjoncture et à une année marquée par la pandémie de Covid-19.

En 2021, ce sont donc 122 femmes qui ont été tuées par leur conjoint ou par leur ex, soit une hausse de 20% par rapport à l’année précédente. En moyenne, cela représente une femme tuée tous les deux jours et demi, contre une tous les trois jours en 2020.

Au total, selon les données publiées par la place Beauvau, 143 personnes ont été tuées l’an dernier dans le cadre d’une relation conjugale en cours ou passée, 122 femmes et 21 hommes, un niveau proche de celui recensé avant le début de la pandémie, relève l’étude. Ainsi, à titre d’exemple, en 2019, 146 femmes avaient été tuées par leur conjoint ou leur ex, et 121 en 2018.

«Chiffres glaçants»

«Le profil type de l’auteur n’a pas changé. Il est majoritairement masculin, le plus souvent, en couple, de nationalité française, âgé de 30 à 49 ans ou de 70 ans et plus, et n’exerçant pas ou plus d’activité professionnelle», relève encore l’étude. Dans près d’un tiers des cas (32%), la victime avait subi des violences par le passé. 64% d’entre elles les avaient signalées aux forces de l’ordre, sous la forme d’une plainte, dans la grande majorité des cas (84%). Autre élément qui ne semble pas varier d’une année à l’autre : «La dispute et le refus de la séparation demeurent les principaux mobiles du passage à l’acte», selon le ministère de l’Intérieur. Un élément que la psychiatre et médecin légiste Alexia Delbreil, spécialiste interrogée par Libération, analysait comme le signe que «le féminicide est un crime en lien avec la dépossession».

«Les faits sont en majorité commis au domicile du couple, de la victime ou de l’auteur, sans préméditation, principalement avec une arme à feu ou une arme blanche», observe encore l’étude. Une part importante des auteurs d’une mort violente au sein du couple (43%) se suicident ou tentent de le faire à l’issue des faits. Ainsi, l’année dernière, 46 suicides et 15 tentatives ont été recensés, un nombre stable chaque année, qui concerne quasi-exclusivement des hommes (60 hommes pour une femme). Cette analyse rejoint les données collectées par Libération, qui raconte chaque mois, depuis le 1er janvier 2017, les histoires de ces femmes, dans un grand format qui donne aussi à voir ce que la statistique ne dit pas : les personnalités, carrières et vies de familles de ces femmes, en même temps que l’imagination macabre dont peuvent faire preuve certains des auteurs pour les détruire, parfois en les défenestrant ou en leur roulant dessus avec leur véhicule.

Interrogée par l’AFP sur ce triste bilan, qui survient à quelques jours du troisième anniversaire de la tenue du Grenelle contre les violences conjugales, la ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, a évoqué des «chiffres glaçants», ajoutant : «Malgré les efforts sans précédent engagés par l’Etat ces cinq dernières années, les féminicides restent à un niveau trop élevé.»

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